Le paysage viticole des vins de Bordeaux est étroitement lié à la Garonne et la Dordogne qui se déversent dans l’Estuaire de la Gironde. Les appellations du vignoble bordelais sont d’ailleurs regroupées en trois grandes zones géographiques autour de la Garonne et la Dordogne.
- La rive gauche de la Garonne incluant la ville de Bordeaux. C’est la région du Médoc (au nord de Bordeaux), des Graves et du Sauternais (à l’Ouest et au Sud de Bordeaux).
- La rive droite de la Dordogne, avec le port de Libourne. Cette zone englobe au nord-ouest les vignobles du Bourgeais (Bourg et Côte-de-Bourg) et du Blayais (Blaye et Côte-de-Blaye), au centre, ceux du Libournais (Saint-Emilion, Pomerol et Fronsac) et à l’est, celui de Castillon.
- Entre la Garonne et la Dordogne. Cette région est dominée par l’appellation Entre-deux-Mers. On y trouve une majorité de vins blancs (secs et moelleux) et des vins rouges corpulents (Cadillac – côte-de-Bordeaux et Sainte-Foy).
Ici, nous étudierons la rive gauche et la rive droite car leurs similitudes et disparités générales sont intéressantes à identifier lorsqu’on veut mieux connaître ses goûts en terme de vins de Bordeaux.
Rive Gauche
IGP : Atlantique.
Régions viticoles : Le Médoc, Les Graves et le Sauternais.
Les Appellations d’Origines Contrôlées :
- En Médoc, on distingue huit célèbres appellations, produisant exclusivement des vins rouges. Deux AOC régionales, le Médoc et le Haut-Médoc. Et six AOC communales (les plus réputées), Margaux, Moulis-en-Médoc, Listrac-Médoc, Saint-Julien, Pauillac, Saint-Estèphe. Les voici dans l’ordre de la route des vins du Médoc (de Bordeaux vers la mer, le long de la Garonne).
- Dans les Graves, il n’y a que trois AOC produisant une majorité de vins rouge, mais aussi des vins blancs secs et moelleux. Les Graves, Les Graves Supérieur (pour les vins moelleux) et les Crus Classées de Graves, Les Pessac-Léognan. Ces derniers proviennent des terroirs exceptionnels concentrés entre Pessac et Léognan. (dix communes entrent dans le cahier des charges de l’AOC Pessac-Leognan : Cadaujac, Canéjan, Gradignan, Léognan, Martillac, Mérignac, Pessac, Saint-Ménard-d’Eyrans, Talence et Villenave-d’Ornon).
- Dans le Sauternais, on distingue trois AOC produisant uniquement des vins liquoreux. Les Cérons, le Barsac et les Sauternes.
Sols et terroirs : Ils sont essentiellement constitués de graves garonnais, sur sols particulièrement variés. Les cailloux plus ou moins gros se mêlent d’argiles, de limons ou de sables, avec quelques zones argilo-calcaires. Le Sauternais, jouit d’un microclimat provoqué par un petit cours d’eau, le Ciron, qui apporte les conditions indispensable au développement du botrytis chinera (champignon qui pousse sur le raisin de vignes) également appelé « pourriture noble« . C’est la botrytis qui permet la production des grands liquoreux.
Les Cépages : Pour les vins rouges, le cabernet sauvignon occupe 75% des surfaces plantées, c’est le cépage roi de la rive gauche. Il apporte aux vins sa structure tannique, sa couleur et sa concentration. Il est aussi garant d’un vieillissement lent, harmonieux et donc, d’une très longue garde. Plus fondu, plus aromatique et plus souple, le merlot, est présent à 23%. Il apporte la délicatesse et les saveurs aromatiques. Le cabernet franc et le petit verdot interviennent à auteur de 2%, si nécessaire dans l’assemblage finale. Pour les vins blancs, secs et moelleux, on retrouve les cépages sauvignon, sémillon et muscadelle.
Les assemblages, particularités locales et potentiels de garde :
- Le cabernet sauvignon, qu’on associe principalement au merlot (en moindre proportion), entre massivement dans l’assemblage des vins du Médoc . On retrouve parfois le petit verdot, en quantité modérée et dont la fonction est de « booster » l’assemblage. Ces vins sont dotés d’arômes généreux, d’un équilibre harmonieux, de beaucoup de corps et de charpente. Leurs tanins sont astringents dans leur jeunesse puis fins et délicats après des années de vieillissement (entre 5 et 15 ans). Ce sont des vins de longue garde.
- Dans les Graves, La proportion de merlot est souvent supérieure au cabernet sauvignon, qu’on peut compléter par du cabernet franc et parfois du petit verdot. Les vins rouges de Graves, jeunes, développent des arômes de fruits rouges accompagnés de notes épicées et grillées. Avec le vieillissement, ils évoluent en finesse, avec élégance et structure. Leur palette aromatique se développe harmonieusement. Selon les millésimes et les propriétés, l’apogée est atteint entre 5 et 10 ans. Pour les vins blancs secs de Graves et Pessac-Léognan, c’est le sauvignon qui domine, suivi de prêt par le sémillon et parfois accompagné de muscadelle. Ces vins blancs sont riches et élégants offrant une palette aromatique fruitée (agrume, fruits à noyau) et puissante, d’une longue persistance. En vieillissant, le vin s’assoupli, évoluant vers des arômes plus mûrs, ronds et gras.
- Dans le Sauternais, seuls les vins liquoreux entrent dans le cahier des charges des AOC. Le sémillon règne en maître sur ces fameux grands vins liquoreux. Il est souvent complété par du sauvignon et parfois une touche de muscadelle. La complexité aromatique de ces vins est infinie. Entre notes de fruits confis, arômes de noix, de miel, d’épices, de pâte d’amande et touche florale, ces vins offrent de nouvelles perspectives de dégustations. D’autant plus, qu’à l’instar de certains sauternes, leur évolution et potentiel de garde peuvent atteindre 100 ans !
Mes vins de coeurs de la Rive Gauche : Les Margaux, sont mes vins de prédilection car particulièrement fins, souples et élégants. Ils sont souvent « prêt à boire », « plus rapidement ». Je garde un magnifique souvenir de l’Alter Ego 2009 – (second vin du Château Palmer, 3ème Grand Cru Classé). Les Saint-Julien, ont une puissance en plus, mais garde une grande élégance. Impossible de se tromper avec le Château Léoville Barton, millésime 2012, presque prêt à boire cette année. Quant au Saint-Estèphe, bien que je reconnaisse la grande qualité de ce vin, sa puissance et sa structure m’ont toujours paru un peu trop viriles à mon goût. À moins que je ne sois encore trop jeune 😉 pour avoir pu déguster, à maturité suffisante ces grands vins de garde.
Les Stars de la rive Gauche : Les plus grands vins de la rive gauche sont mondialement connus ! Parmi les Pauillac, en Médoc, on note le Château Lafite-Rothschild, Château Latour et Château Mouton-Rothschild. Il y a aussi le célèbre Château Margaux (Margaux), le Château Cos d’Estournel (Saint-Estèphe), etc. Dans les Graves, et parmi les Pessac-Léognan, il y a bien sûr le Château Haut-Brion. Et dans le Sauternais, impossible de ne pas nommer Château Yquem, Château Climens et Château Rieussec.
Rive Droite
IGP : Atlantique
Régions viticoles : Le Libournais, le Bourgeais, le Blayais et le Castillon.
Les Appellations d’Origines Contrôlées : Ici, nous étudierons principalement la région du Libournais, qui est la plus riche et la plus représentative de la rive droite. On distingue dix AOC, produisant exclusivement des vins rouges. Les plus célèbres sont le Saint-Émilion, Saint-Émilion Grand Cru, Pomerol, Lalande de Pomerol et Fronsac. Mais il y a aussi, le Canon-Fronsac, et « les satellites » de Saint-Émilion (Lussac-Saint-Émilion, Puisseguin-Saint-Émilion, Montagne-Saint-Émilion, Saint Georges-Saint-Émilion). Les appellations du Bourgeais sont plus au nord, face à Margaux sur les coteaux surplombant la Gironde. On y produit des vins rouges et blancs secs en appellations Bourg et côte-de-Bourg. Le Blayais (Blaye et Côte-de-Blaye) suit au nord et produit également des vins blancs et rouges. Enfin, le Castillon est une petit appellation (3000ha) à l’est de Saint-Émilion et produisant uniquement des vins rouges corsés et généreux.
Sols et terroirs : Bien que très variés, ils contiennent souvent de l’argile (sols argilo-calcaires, argilo-sableux, argilo-graveleux, surtout à Pomerol).
Les Cépages et assemblages : Le merlot domine dans le Bordelais mais plus que jamais sur la rive droite car les sols frais et humides à texture argileuse sont propices à l’expression de ses qualités. Cépage dominant voir exclusif (surtout à Saint-Émilion et Pomerol), il peut accompagner le cabernet franc, qui apporte un bel équilibre et des notes de fruits rouges, le cabernet sauvignon permet de renforcer l’ossature des vins. Enfin, il y a parfois un peu de malbec ou cot. Comme sur la rive gauche et en moindre mesure, on peut trouver un peu de petit verdot et Carmenère dans les assemblages des vins rouges. Pour les vins blancs du Bourgeais et du Blayais, on retrouve les classiques sauvignon, sémillon et muscadelle. Mais il n’est pas rare que le colombard et l’uni blanc complètent les assemblages.
Les particularités locales et potentiels de garde : Le vignoble du Libournais offre un paysage extrêmement vallonné avec une grande diversité de sols et de sous-sols due à l’érosion. Cela apporte une disparité des sols, du socle à la croupe des collines. Les meilleurs raisins poussent d’ailleurs en haut des vallons ! Par conséquent, les vins fins et fruités côtoient des vins plus corsés aux tanins souples et généreux. La complexité des vins du Libournais oscillent entre souplesse, puissance, finesse, fruit et minéralité. Ici plus qu’ailleurs, les vins sont le fruit d’un terroir (plus ou moins propices), de conditions climatiques (plus ou moins clémentes) et des hommes qui font le vin. Comme tous les Bordeaux d’appellation, ils seront prêts à la dégustation à partir de 5 ans d’âge, jusqu’à 10, 15 ou 20 ans selon les millésimes et propriétés.
NB : La Cité médiévale de Saint-Émilion, surplombe les vignes de l’appellation. Dès la sortie du village, on découvre un océan de vignes au fils de petites routes sinueuses passant devant de belles demeures et châteaux. Impossible de venir dans le vignoble Bordelais sans s’arrêter à Saint-Émilion. Village historique classé au patrimoine mondial de l’Unesco, chaque année c’est plus d’un millions de visiteurs qui viennent le découvrir, le temps d’une visite.
Les Blancs secs du Bourgeais et du Blayais sont souvent très aromatiques sur des notes d’agrumes et de fruits à noyau (pêche, abricot, etc.). La structure est droite, incisive avec beaucoup de fraîcheur.
Mes vins de coeur de la Rive Droite : J’aime particulièrement le Château Tournefeuille 2015 (Lalande de Pomerol). Parfaitement fin et onctueux, ses vignes ne sont séparées que par une petite route, de celles de la Fleur de Pétrus (second vins du Château Pétrus en Pomerol). Dernièrement, j’ai également beaucoup aimé le Château de l’Évêché (Saint-Émilion Grand Cru) 2010, offrant une puissance aromatique digne d’un grand vin, sur des tanins très souple à parfaite maturité.
Les stars de la Rive Droites : Ici aussi les plus grands vins sont mondialement connus : Pétrus, Château L’Église-Clinet, Château l’Évangile dans le Pomerol, Château Cheval Blanc, Château Ausone, Château Angélus dans le Saint-Émilion.
Pour résumé et conclure, chaque vin est bel et bien le fruit d’un terroir (ses sols et climats), des cépages qui s’y développent, dont la qualité dépend surtout des conditions climatiques endurées au cours de sa culture. Enfin, il y a la main de l’homme (le vigneron, l’oenologue et le maître de chai) qui permet de mettre en valeur et sublimer ce terroir et ses cépages à travers les vins qu’il façonne. C’est aussi pour cette raison qu’en cas de millésime de moindre qualité, on trouve toujours des bons vins ! Et c’est souvent là que la qualité de l’auteur est largement mise en lumière.
Pour ce qui est des vins de Bordeaux et des vins issues de grands terroirs d’une manière générale, il est souvent nécessaire de les attendre. Rare sont les grands vins de Bordeaux capables d’exprimer tout leur potentiel (saveurs aromatiques évoluées, souplesse des tannins et persistance aromatique) avant un minimum de 5 à 7 ans.
Que faut-il donc retenir de la rive gauche vs rive droite ?
Sur la rive gauche :
Les vins rouges sont plus influencés par le cabernet sauvignon qui apporte, puissance et structure tannique, permettant de bâtir l’ossature des vins. Ce sont donc généralement des vins de longue garde qui ont besoin de temps pour s’assouplir.
Château Tour Haut-Caussan 2016 : Un vin parfaitement mûr et prêt à être dégusté dans les meilleures conditions. Aromatique et fondant, on apprécie ces notes de tabac, de cèdre et de cuir, acquises aux files des années.
Les grands vins blancs secs du Bordelais proviennent de l’appellation Pessac-Léognan. Ils sont influencés par le sauvignon qui apporte une droiture et puissance aromatique sur les notes d’agrumes. Accompagné de sémillon, ils offrent un bon potentiel de garde (5 à 8 ans) et des notes de dégustation exquises.
Château Haut-Reys 2018 : Un Graves blanc droit, fruité avec une belle rondeur sur les agrumes. Prêt à déguster, son nez est aromatique sur des notes de fleur blanche et de délicates senteurs d’agrumes. En bouche, il est bien équilibré entre rondeur et fraîcheur, avec un joli bouquet de fruit et une finale douce et fine.
La Rolls des blancs de Bordeaux, ce sont les liquoreux, ils sont largement influencés par le sémillon qui apporte une texture grasse et onctueuse et une complexité aromatique typique (notes de fruits à noyau, arôme de noix, d’épices, etc.). Récolté à maturité poussée pour ses pourritures nobles, il offre un potentiel de garde unique. 5 à 7 ans (Cérons) pour les terroirs plus classique, jusqu’à 20 ans, (Barsac), 50 ans ou 100 ans (Sauternes) sur les terroirs d’exceptions.
Sur la rive droite :
Les vins rouges sont influencés par le merlot qui apporte aux vins des arômes de fruits (rouges et noirs), de la rondeur et une structure tannique souple et veloutée. Ce sont donc des vins plus gourmands et accessibles. Ils se boivent généralement jeunes, mais associés à d’autres cépages (le cabernet franc ou le cabernet sauvignon) et cultivés sur de grands terroirs (Pomerol, Saint-Émilion), ils développent avec le temps, une splendide complexité. Les grands vins de la rive droite auront donc également besoin de temps pour exprimer tout leur potentiel.
Château Rozier 2016 – Saint Émilion Grand Cru : Un vin d’une grande fraîcheur associant les fruits rouges et noirs et un boisé toasté, légèrement vanillé grâce au passage en fût. En bouche il est suave et charnu, avec des tanins puissants mais très élégants et d’une belle persistance. Il atteindra son apogée entre 2021 et 2024.
Château l’Évêché 2012 – Saint-Émilion Grand Cru : Un vin gourmand qui rivalise avec les « Grands » Saint-Emilion : c’est un monstre de puissance. Au nez, la mûre et la prune sont bien présentes. En bouche, des notes végétales et de fruits noirs s’entremêlent de senteurs de tabac et de cuir. Les tanins fondent comme du velours avec une persistance aromatique incroyable. À déguster dès maintenant, après 2 ou 3 belles heures d’ouverture. Mais son apogée sera atteint entre 2022 et 2025.
Château Hauchat La Rose 2014 – Fronsac : Ce vin est très aromatique dès le premier nez. Il est aussi charnu que gourmand, en bouche. On retrouve un très bel équilibre entre les fruits rouges bien mûrs, une belle rondeur légèrement épicée et des arômes tertiaires de cuirs et de bois. Ce vin est structuré et gouleyant. À déguster jusqu’en 2023.
Les vins blanc sont secs, majoritairement composés de sauvignon. Ils sont donc aromatiques, droits et d’une grande fraîcheur. A noter que les vins blancs produits par une propriété du Libournais verra sa cuvée re-qualifiée en IGP Bordeaux du Château Xxx.